Les langues nationales : un trésor pour l’Afrique

Article : Les langues nationales : un trésor pour l’Afrique
Crédit:
17 novembre 2016

Les langues nationales : un trésor pour l’Afrique

L’une des plus grandes richesses de l’Afrique est sans nul doute sa culture, et l’on ne saurait parler de culture africaine sans parler des différentes langues nationales qui la composent. Le continent africain dispose en effet d’un peu plus de 2000 dialectes.

Autour de moi, je remarque bien souvent que nombre de mes connaissances (familiales ou professionnelles) et à mon corps défendant, négligent l’apprentissage de nos langues nationales à leur progéniture au profit de la « langue du colonisateur ». Ils préfèrent ainsi s’exprimer ou converser avec leurs enfants en langue française. Cela m’offusque au plus haut point car je suis très fière de mes racines africaines, peut-être un peu trop, et dès que j’en ai l’occasion, je le clame haut et fort.

Les langues nationales, outils politiques
Il est peu fréquent de voir nos responsables politiques s’exprimer dans nos langues stock-photo-large-group-of-black-and-white-people-seen-from-above-gathered-together-in-the-shape-of-africa-308982203locales. Parmi ces rares épisodes il en est un, qui est resté gravé dans ma mémoire : en 1998 je vis pour la première fois feu Gnassingbé Eyadéma, s’exprimer en Kabyè(1) au cours de la campagne présidentielle et son directeur de campagne de l’époque Selom Klassou (l’actuel premier ministre) lui emboîter le pas en usant de l’Ewé (1) pour expliquer le processus du vote à leur électorat.

Cela m’avait énormément plu, d’autant plus qu’à cette époque nous n’étions pas du tout habitué à entendre la voix du Général Eyadéma en direct sans qu’il ne passât par les laboratoires de la TVT(2) et encore moins en Kabyè (1) . C’était la cerise sur le gâteau !!!

Les langues nationales, instruments adéquats pour atteindre les couches populaires
La multiplicité et la diversité de nos langues nationales africaines ne nous facilitent pas la tâche, ce qui a entraîné l’apparition de ces langues véhiculaires comme le Nouchi en Côte d’Ivoire, le Ghanaian Pidgin English (GhPE) ou Kru English au Ghana ou encore le Broken English au Nigeria (ce dernier a même un dictionnaire interactif en ligne). Ces langues créoles sont utilisées au quotidien par une grande partie de la population comme outil commercial et d’intégration.

stock-vector-hello-word-cloud-in-different-languages-of-the-world-background-concept-366013430Au début des années 2000, avec l’apparition des radios de proximité, l’usage de la langue nationale est devenu une nécessité. Elle permet de toucher une plus grande frange de la population, malheureusement analphabète, mais au cœur du développement du pays.

Je félicite en cela la radio Nana FM, pionnière en la matière à Lomé, autrefois installée au cœur du Grand Marché de Lomé, centre névralgique de l’économie togolaise et fief des célèbres Nana Benz(3) . Avec ses journalistes vedettes : Bruno Mensah et Dédé Massognan Hunlédé dite Da Dédé, la radio a su développer une panoplie d’émissions interactives en Mina (1) , à la grande joie de son auditorat.

L’usage de la langue nationale sur les médias est aussi présent dans certains pays de l’Afrique francophone subsaharienne en l’occurrence le Sénégal qui est un précurseur en la matière à l’instar de la chaîne privée, 2STV où le Wolof occupe une place prépondérante. Comme l’atteste ce billet de mon compatriote.

Les langues nationales, au centre de l’éducation
Pendant longtemps, s’exprimer en langue locale était une honte pour certains togolais, et beaucoup préférait parler un français bancal plutôt que de s’exprimer en langue nationale. Je me rappelle encore cette coquille d’escargot qu’on nous faisait porter au cou à l’école primaire, lorsque vous étiez surpris en train de parler le vernaculaire c’est-à-dire le Mina . On l’appelait « signal » , ne me demandez surtout pas l’explication, je ne saurai vous la donner (rires…)
Pourtant, officiellement, au Togo deux langues nationales sont privilégiées : l’Ewé (1) au sud et le Kabyé (1) au nord, imposées dans le cursus scolaire et qui doivent être enseignées au Collège.

La « langue du colonisateur » est certes nécessaire (puisque moi-même j’en use ici pour faire passer mon message) dans notre éducation et dans celle de nos enfants, mais je place toujours nos langues nationales en première place, car je trouve que son usage construit notre personnalité, exposée que nous sommes actuellement à l’immigration et à la globalisation du monde.

Imaginez une famille africaine de 4 enfants, tous devenus adultes et installés aux quatre coins du monde : USA, Finlande, Chine et Brésil, dont les enfants issus de cette culture mixte se retrouvent en vacances au pays, de leurs géniteurs. Quel peut être le lien entre ces cousins, si ce n’est la langue nationale, que fort heureusement, leurs parents n’ont pas négligé de leur apprendre ? Ce qui permettra aux chers cousins de pouvoir communiquer aisément avec les grands stock-vector-set-of-social-people-on-world-map-with-speech-bubbles-in-different-languages-male-and-female-faces-322881275parents restés au pays et de pouvoir s’intégrer à leur communauté d’origine.

Je fais un usage fréquent de la langue nationale, lorsqu’il s’agit de donner des explications à mes enfants qui n’ont pas encore toute la maîtrise de la langue française. D’un point de vue académique, cela les aide à mieux comprendre les matières enseignées en français. Plusieurs recherches  l’ont prouvé, les enfants apprennent mieux dans leur langue nationale. Durant une certaine période en Guinée, feu Président Sékou Touré a imposé, l’utilisation des langues nationales dans leur système éducatif. Mais cela n’a pas tout à fait réussi, à cause d’un mauvais suivi et de la tournure politique que cela a pris.

Pour ma part, je place les langues nationales sur un piédestal, dans l’éducation donnée à nos enfants.

Parler et maîtriser sa langue nationale est pour moi une nécessité. Cela fait de la majorité des africains qui ont fait des études, des bilingues. Malgré la multiplicité de ces langues nationales, certaines à l’instar du Haoussa(5) et du Swahili(6) , arrivent quand même à tirer leur épingle du jeu. Pourrions-nous alors croire en de meilleurs lendemains pour nos langues nationales ? Qu’elles deviennent aussi usitées que l’anglais, le français ou l’espagnol ? Le débat est lancé.

Mia do go !!!  (A nous revoir, en langue Ewé)

 ______________________

[1]Kabyè, Ewé, Mina  : langues  du Togo

[2] TVT : TéléVision Togolaise, la chaîne nationale de télé

[3]Nana Benz : grande commerçante de pagne Wax conduisant des voitures de marque benz.

[4] Wolof : une des langues nationales du Sénégal

[5] Haoussa ou hausa : langue tchadique parlée en Afrique de l’Ouest

[6] Swahili : langue bantoue parlée en Afrique de l’Est

Étiquettes
Partagez

Commentaires

Guy Muyembe
Répondre

Le problème avec les langues nationales c'est que dans un pays comme le mien il y en a au moins 400. Quand on est chef on risque de frustrer beaucoup de monde si on doit s'exprimer dans sa propre langue. Cela est possible dans un pays comme le Togo où predomine deux langues.
Par ailleurs, il va sans dire que certains francophones africains te diront que le Français n'est plus une langue du colonisateur. C'est devenu un patrimoine que nous avons en partage avec les anciens maîtres. Ils n'ont pas tort.

Benedicta honyiglo
Répondre

Malgré le grand nombre des langues, certaines finiront par émerger du lot.

Mawulolo
Répondre

Guy Muyembé,
Au Togo il y au moins 80 ethnies pour 56.600 km². ET donc autant de langues sinon plus. Mais il a fallu que l'Etat trouve des critères de choix pour pouvoir en faire apprendre au moins deux dans les écoles.
Au Sénégal même il n'y a pas que le wolof. Mais à un moment donné et selon la politique que l'on veut appliquer il faut juste se définir des critères de choix.
Je suis sûr qu'au Congo toutes les 400 langues n'ont pas des couvertures égales en démographie et en géographie.
Et puis le lingala doit être même le plus parlé. On peut donc le formaliser, l'étudier et l'enseigner

Benedicta honyiglo
Répondre

Merci pour ta contribution, Roger.

Lea
Répondre

Ta raison ma soeur jen patele beaucoup ..ces pas seulemt nous les Africains..les latino..chinois les arabes indiens haitiens ...meme les italiens immigres ds la communaute ou je suis beaucoup ne parlent pas Italian parceque leus parents et arriere grandparents debarques ici ds les annes 1800.avaient honte et voulaient ke les enfants s 'integrent tellement qu ils ont refuses de leus apprendrent l italien. Et beaucoup le regrettent.

Benedicta honyiglo
Répondre

C'est bien un souci mondial, la perte de l'identité linguistique, tout le monde veut se fondre dans un moule !!!

Mawulolo
Répondre

Bénédicta alias "Valse de nos destinées", ce ne sera pas un "battle" mais je te ferai un billet-réponse c'est sûr... Je ne dévoile encore rien.
Et Dieu seul sait que je suis un fou d'une des langues nationales togolaises...

Benedicta honyiglo
Répondre

Même si c'est "un battle", je rebondirai, foi de Bénédicta....lol ! Et je t'apprends que tu n'es pas le seul à avoir cette "folie linguistique". Je t'attends donc et ce serait un réel plaisir que de te lire.

lidi
Répondre

Je partage ton point de vue sur la richesse culturelle et la diversité de nos langues locales...mais ne penses-tu pas que toute cette diversité nous divise plus au lieu de nous unir???

Benedicta honyiglo
Répondre

Chacun voit midi à sa porte...lol ! Si nous voulons user de cette diversité culturelle, comme moyen d'action pour l'union de nos nations, et bien,je crois que nous y arriverons.

Valerie
Répondre

Tu as raison ! Valorisons nos langues !

Benedicta honyiglo
Répondre

Merci d'être passée ici @lafleurcurieuse !!