Le laxisme et le népotisme règnent toujours en maître dans nos administrations

Article : Le laxisme et le népotisme règnent toujours en maître dans nos administrations
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20 février 2020

Le laxisme et le népotisme règnent toujours en maître dans nos administrations

Il y a quelques mois, je voulais renouveler les cartes d’identité de mes enfants, ce fut pour moi un parcours de combattant.

Au Palais de Justice

Cela a débuté par le service de l’établissement du certificat de nationalité. Je devais me faire établir des duplicatas de ces pièces. Deux mois plus tôt, j’en avais demandé pour des parents. Et j’ai pu en prendre autant que j’en voulais.

Mais le jour-là, je pense qu’une nouvelle consigne a été appliquée : les citoyens ne pouvaient prendre qu’une seule copie et par jour. Le processus consiste à s’inscrire sur une liste de 10 personnes et à payer 1 000 francs CFA*( 1) par copie demandée. Certaines personnes ont essayé de passer outre la consigne. Leur deuxième demande a été purement et simplement rejetée. Et lorsque nous voulions savoir les raisons, nous avons buté contre un mur. Personne n’était disposé à nous répondre. Des rumeurs parlaient d’une possible rupture de stock du papier d’impression qui est semblable à celui des billets de banque : sécurisé et inimitable. Finalement personne n’a pu infirmer ou confirmer cette version.

Certains demandeurs viennent par exemple de Tsévié (à 30 km de Lomé) ou de l’intérieur du pays : Kpalimé (120 km), Atakpamé (160 km). Ceux du septentrion c’est-à-dire à partir de Sokodé (340 km) et encore plus loin ont le choix d’aller à Kara, qui est la deuxième ville du Togo.  Une dame que j’ai vue et avec qui j’ai un peu discuté : « Je viens d’Atakpamé, je ne connais personne à Lomé chez qui je pourrai résider. Je voulais plus d’une copie et je programmais de revenir dans une semaine pour le retrait. Là, je suis toute bouleversée, je ne sais que faire ».  Je vous laisse imaginer toutes leurs peines.

Après le dépôt effectif de la demande, le rendez-vous pour le retrait est fixé pour une semaine après. Au jour dit, je me suis présentée mais n’ai obtenu aucune copie, et aucune raison ne m’a été donnée. Le plus grave c’est qu’aucune nouvelle date ne m’a été donnée pour un éventuel retrait. L’agent préposé au  service affichait une insolence et une arrogance inégalable. Elle criait, non hurlait sur les citoyens comme une orfraie. Enragée je suis repartie. Je n’ai pu avoir mon document que 3 semaines plus tard en passant par l’ami, d’un ami, d’un ami. Sinon mon document serait perdu je ne sais où.

Au commissariat de police

Au Togo, la carte d’identité nationale s’établit dans les commissariats de police. Evidemment pour échapper au monde fou qui en fait la demande, il faut être recommandé par un « grand  quelqu’un », glisser des sous ou se lever très tôt, et là c’est vraiment tôt. Les services publiques ouvrent à 7h30, pour espérer être le premier servi il faut y aller à 5h déjà. Mais là encore vous n’êtes pas au bout de vos peines.

Selon la mouche qui l’a piqué, le policier préposé peut décider de faire passer toute sa famille avant vous, même si vous êtes le premier sur la liste. Et gare à vous, si vous osez protester. Ils vont vous créer toutes les misères et Dieu seul sait si vous retrouverez un jour votre dossier. Alors tout le monde fait profil bas et invoque tous les dieux connus et inconnus, pour passer le plus tôt possible. Vous pouvez être aussi carrément oublié là-bas sans aucune explication et y passer toute votre journée. Vous ne serez servi que dans l’après-midi à la reprise c’est-à-dire à partir de 14h30.

Si vous êtes verni et que votre patronyme n’a subi aucune éraflure (ce qui est très fréquent : des noms mal écrits ou carrément déformés) après deux semaines, vous pourrez avoir votre carte d’identité nationale.

Crédit photo : Bénédicta H.

Au service des passeports

Ce service dénommé officiellement DGDN (Direction générale de la documentation nationale), était le service par excellence où si vous étiez affecté, il fallait coûte que coûte repartir de là, ventripotent. Pendant longtemps au Togo, pour se faire établir son passeport, c’était 10 fois le chemin de croix de Jésus de Nazareth, plus que le parcours de sélection de la légion étrangère, et beaucoup de billets violets**(2) distribués en route.

Mais depuis trois ans au moins, tout a changé, le service a connu son chemin de Damas, je peux dire avec preuves à l’appui que c’est le meilleur service de l’administration togolaise où l’on vous reçoit très bien et on vous met à l’aise. D’abord le lieu-dit est bien protégé, un service de sécurité sans faille. Il est équipé d’un hangar avec des bancs, d’un écran qui vous donne toutes les informations sur le processus à suivre avant de vous faire délivrer le précieux sésame. Il est également équipé  d’un distributeur automatique de snacks et de boissons.

Les agents soucieux de refléter une belle image du pays, vous reçoivent très cordialement vous fournissent tous les renseignements et prennent le soin de vous informer au moindre pépin. Bref, ils fournissent un service impeccable. Aucune œuvre humaine n’étant parfaite, il existe toujours des brebis galeuses qui profiteront de votre crédulité pour vous dépouiller de quelques billets. Ne vous en faites pas, un service existe désormais pour les dénoncer, pour qu’ils subissent de bonnes sanctions avec la dernière rigueur.

Et vous quelle est votre expérience avec les services administratifs de votre pays ?

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*1 000 FCFA : 1,5 Euros à peu près

**Le billet de 10 000 FCFA, la plus grosse coupure est de couleur violette

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Commentaires

Eléonore
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Pour faire légaliser des simples documents c'est la croix et la bannière dans certains commissariats. Il y en a qui augmentent volontairement le prix des timbres (alors que c'est bien écrit dessus ).

Benedicta honyiglo
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Un vrai calvaire pour les citoyens....

Marc-Ayi
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Eh oui, ainsi va l'administration togolaise! Il y a bien d'autres secteurs où les démarches administratives sont encore plus catastrophiques...
Si par chance vos écrits arrivaient à toucher des âmes sensibles de la place qui pourraient œuvrer pour quelques améliorations... Cela relèverait d'un miracle divin mais qui sait...

Benedicta honyiglo
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Cela devrait changer, il n'y a pas de sanctions à cause du népotisme qui s'est assis confortablement dans nos administrations. Comme le dirait quelqu'un, il faut des "hommes qu'il faut à la place qu'il faut".