Que devient le Togo après 64 années d’indépendance ?

Article : Que devient le Togo après 64 années d’indépendance ?
Crédit: Bamouzou, Wikipédia Creative Commons
27 avril 2024

Que devient le Togo après 64 années d’indépendance ?

Aujourd’hui, le 27 avril, certains Togolais arborent sur leurs statuts ou leurs pages sur les réseaux sociaux, des slogans, des vidéos et des posts montrant leur fierté d’être de ce pays. C’est le 64e anniversaire de l’indépendance du Togo. Mais il n’y a pas beaucoup d’engouement autour de cette date.

L’ambiance est plutôt morne. Le Togo se prépare pour des élections législatives et régionales avec en fond sonore la polémique, la colère et la résignation que soulève la réforme constitutionnelle menant à la Ve République.

Le vivre-ensemble est-il une réalité ?

Plus de 30 ans après les crises socio-politiques traversées par le Togo, les citoyens ont toujours du mal à se retrouver, car les relents de ces crises ne cessent de perdurer. Certains parlent du vivre-ensemble, de la cohésion sociale et d’un climat de paix. J’espère que cela n’est pas une illusion.

Je vous le donne en mille : vous êtes usager de la route et vous faites une quelconque fausse manœuvre à un carrefour ou ailleurs, et vous verrez le torrent d’insultes des plus vulgaires aux plus méchantes qui vous tomberont dessus. Même les femmes au volant ne sont pas épargnées. Des noms d’oiseaux leur sont attribués, jusqu’à l’évocation de leurs ancêtres dont elles n’ont peut-être jamais entendu parler.

Avez-vous déjà assisté à la bastonnade publique d’un voleur cueilli en flagrant délit ? Vous verrez les citoyens togolais se transformer en des bourreaux pires que ce que vous n’aurez peut-être plus jamais l’occasion de voir, de vivre ou de rencontrer… J’ai déjà été choquée par un tel spectacle. Ils rivaliseraient bien avec Néron.

L’une des preuves récentes est le chauffeur de bus Sotral (Société des Transports de Lomé) qui a échappé de justesse à la vindicte populaire ce lundi 22 avril 2024, lorsqu’un motocycliste imprudent s’est retrouvé sous les roues de son bus rempli d’étudiants de l’Université de Lomé. Le motocycliste et son passager ont succombé à leurs blessures sur les lieux de l’accident.

Certains disent que ce que le Togo leur a donné de la main droite, il le leur a repris de la gauche. Ne me demandez pas ce que je lui ai donné, car je pense que mon sacrifice n’est que peu par rapport à ceux des autres.

D’autres encore lui ont donné des membres de leur famille décédés dans le plus grand hôpital de ce pays, faute d’avoir eu les soins appropriés. Déchirant d’assister aux pleurs d’un parent, qui voit son enfant mourir dans ses bras.

Tous les citoyens de ce pays ont pourtant la même valeur. Du plus petit bébé vagissant qui se demande sur quelle terre il vient de tomber au jeune fauché dans la fleur de l’âge sur nos routes par la faute d’un usager peu scrupuleux de respecter le code de la route, en passant par le vieux qui meurt dans nos hôpitaux publics par manque d’un plateau technique adéquat.

Ils partent en ayant au moins l’illusion d’avoir la paix, avec tous les RIP (Rest in peace), laissés sur leurs photos, partagés sur les statuts de leurs amis, connaissances ou familles. Ils couvent l’espoir que l’autre côté du fleuve sera plus clément que ce qu’ils auront vécu sur cette bande de terre rectangulaire.

A son niveau, chaque togolais s’active tel une fourmi autour de leur reine, pour apporter sa pierre à l’édifice (je déteste cette expression 😅 elle me fait penser à la tour de Babel). Mais cet édifice a-t-il de solides bases ?

Sentinelle que dis-tu de la nuit ? La nuit est longue mais le jour vient

Le jour est venu depuis, malgré cela le Togolais semble toujours chercher en tâtonnant,  l’interrupteur qui va éclairer son espace et maintenir toujours vivace cette lumière embrasée ce 27 avril 1960. Avec le délestage de ces derniers mois, ce n’est même plus la peine de chercher l’interrupteur : O lé so zo fifia ! (En ewé : On coupe l’électricité actuellement.)

Des Togolais endossent chaque jour le vêtement de l’agneau, parce qu’ils ont peur de ne pas avoir leur pain quotidien, de perdre un marché ou de se faire taxer d’être d’un bord politique s’ils donnaient leurs vrais opinions sur ce pays. Ceux qui ont le courage d’en parler le font sous cape, utilisent des pseudos sur les réseaux sociaux ou attendent d’être à l’extérieur du pays pour le faire.

« Sentinelle, que dis-tu de la nuit? » Sylvanus Olympio, Proclamation de l’Indépendance du Togo le 27 Avril 1960

Devrais-je être fière d’être Togolaise ?

Je n’en sais rien, parce que ce pays n’est qu’un bout de terre sur lequel je n’ai pas choisi de venir mais sur lequel je suis tombée par décision divine, par hasard ou que sais-je encore ?

Faute du mieux, le Togolais se contente du peu. Il se remet entre les mains du bon Dieu ou se confie aux mânes des ancêtres. D’autres Togolais  sont devenus des abonnés à la politique de l’autruche et jouent aux 3 singes (🙊🙉🙈). La peur a trouvé sa place dans nos vies.

Mais la nature ne fait pas de cadeau car nous sortons malgré nous de notre fausse torpeur lorsque nous sommes confrontés à l’espièglerie de la vie qui réside dans ces lieux tant craint par le Togolais moyen : hôpital, douane, commissariat, justice…

Même estropié ou la jambe suspendue dans le plâtre, sur un lit d’hôpital, le Togolais, à la question « Comment ça va ? » donne sa sempiternelle réponse laconique : « Ça va très bien. » ou bien « À la togolaise ».

On se demande, effaré, ce qui ne va pas plutôt dans nos têtes. C’est dire à quel point la résilience y a trouvé son gîte. Un jour peut-être, le Togolais trouvera vraiment sa place au soleil et sera réellement indépendant.

Que l’Eternel bénisse le Togo !

Place de l’indépendance du Togo à Lomé. Crédit photo : Bamouzou, Wikipédia Creative Commons
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Commentaires

Blansha
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La situation du pays nous impacte tous, à des degrés différents j'avoue. En attendant, profitons de cette relative paiy ...

Benedicta honyiglo
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Un mot de 4 mots...

Prosper DEGBE-ATTIFLI
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Merci, ma soeur pour ce décryptage profond et cette analyse objective...
Huummm.

Benedicta honyiglo
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Je te remercie également d'être toujous présent par ici.